Avec l’activité récente que j’ai eue sur le projet De Hysteria Chirurgica, je n’avais pas eu le temps de publier ce témoignage, qui me semble pourtant important. En effet, j’ai beaucoup retransmis des témoignages de femmes qui ont découvert, redécouvert, ou toujours pratiqué la masturbation.
Mais dans les commentaires du témoignage de A., une polémique a plus ou moins eu lieu, au sujet de la pression qui laisse penser que ne pas se masturber serait déviant.
Eh bien non, il y a aussi des gens qui ne vivent le plaisir qu’à deux, et loin de moi l’idée de les juger : si mon projet et le livre sont un ode au plaisir solitaire, je ne voudrais surtout pas qu’ils soient perçus comme agressifs à l’égard de ceux qui n’y voient pas d’intérêt.
Alors, est-ce une question de n’avoir pas encore découvert ce plaisir, ou un blocage, ou bien simplement y a-t-il des gens qui vivent une sexualité épanouie sans jamais se masturber ? A chacun de se faire son opinion ou de ne pas trancher…
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Le témoignage de O. – 30 ans
Je dois avouer que je déteste le terme « masturbation », sa résonnance m’écorche les oreilles, mais son sens initial encore plus depuis que j’ai pris le temps d’en vérifier l’origine dans un dictionnaire. Le mot « masturbation » a été créé par des gens qui visiblement n’adhéraient pas à cette pratique et la trouvaient sale : je ne suis évidemment pas d’accord avec eux…
De ce fait, j’ai toujours préféré parler de caresse intime. C’est ainsi que j’ai vu les choses lorsque, encore enfant, j’ai découvert mon corps, en douceur. Même si par mon éducation (pleine de tabous et de non-dit) j’étais portée à croire que je faisais des « trucs cochons » et qu’il fallait donc le cacher, je n’ai jamais culpabilisé : j’avais besoin de m’approprier mon corps, de le découvrir. Ce n’était pas vraiment par recherche du plaisir, juste par curiosité.
La première fois que j’ai réellement pratiqué une caresse intime profonde, par recherche du plaisir, je devais avoir 13 ou 14 ans. J’en suis revenue profondément déçue et même effrayée : cela m’a poursuivie des années, j’ai été habitée par la crainte d’être incapable d’éprouver du plaisir puisque je n’arrivais pas à m’en donner seule.
Pendant la phase préadolescente, j’étais dans la découverte de mon corps et des plaisirs simples, dans une recherche de bien être, pendant l’adolescence j’ai petit à petit complètement rejeté mon corps qui m’est devenu étranger : j’ai complètement cessé les caresses intimes qui m’effrayaient par l’absence de plaisir que j’en retirais.
Ensuite j’ai fait la paix avec mon corps, j’ai recommencé à « expérimenter » les caresses intimes, mais toujours avec un résultat frustrant. Je me demande cependant s’il ne faudrait pas que j’apprivoise cette pratique, quitte à m’aider avec un jouet, mais j’avoue que je n’ose pas. Cela mérite réellement réflexion mais j’ai encore une fois peur de la déception. De plus, mon conjoint n’est pas très à l’aise avec les jouets, je ne suis pas certaine que l’idée lui plaise : nous en discuterons ensemble quand l’occasion se présentera.
En résumé, je trouve libérateur qu’on puisse enfin parler du plaisir intime et solitaire des femmes, je trouve particulièrement beau que des femmes s’épanouissent avec son aide. Cependant pour ma part, il a malheureusement eu l’effet inverse.
Sur le plan psychologique autant que physique, les caresses intimes ne m’apportent pas grand chose. J’ai simplement le contentement de m’assurer que tout va bien, mais je n’en éprouve aucun plaisir particulier. Je vais juste constater, par exemple, que je me suis bien épilée et que mes lèvres sont douces. En résumé, mes caresses intimes me font plutôt l’effet d’un état des lieux rassurant mais ne sont aucunement un moyen de me faire du bien, d’éprouver du plaisir ou de soulager une envie.
Pendant une période ce fut pire : j’avais la sensation de pratiquer un examen gynécologique et cela me dégoûtait profondément. J’avais complètement cessé de me toucher. Heureusement ce mal être adolescent est révolu mais il a laissé un malaise, je suppose.
Mes caresses intimes ne m’ont jamais permis d’éprouver une jouissance, encore moins un orgasme. Je me suis longtemps crue « anormale » ou du moins amputée de quelque chose. Aujourd’hui encore lorsque je lis les témoignages de femmes qui prennent énormément de plaisir avec cette pratique solitaire, je me sens profondément différente.
Pourtant, j’ai essayé de me caresser de différentes façons, car je suis curieuse, mais sans exotisme. Dans mon lit sur le dos, jambes repliées et genoux écartés, pendant un bain dans une position similaire ou bien debout sous la douche. Soit je suis nue, soit je glisse ma main dans ma lingerie. Il m’est aussi arrivé de conserver ma main par-dessus la lingerie en question car étonnamment cette caresse-là me plait beaucoup (même si elle reste superficielle). Il m’est arrivé, sous la douche, d’utiliser mes deux mains pour stimuler, en même temps que mes lèvres ou mon vagin, mon périnée et même l’anneau anal (en douceur). J’ai utilisé exclusivement mes doigts à ce jour.
Aujourd’hui, j’aime me caresser – de façon superficielle – devant mon partenaire ou pendant qu’il me pénètre, les effets que cela entraîne me plaisent énormément, surtout ses réactions à lui.
Par contre je ne me caresse pour ainsi dire jamais seule. J’essaye bien de temps en temps mais c’est toujours aussi décevant, loin de mes attentes, très loin du véritable feu d’artifice que je ressens quand mon partenaire s’occupe de moi.
P.S.
Il y a un détail qui compte pour moi et dont je n’ose pas beaucoup parler : la sensibilité de mon intimité. Je sais que les femmes ne sont pas toutes égales à ce sujet, mais j’ai pour ma part dû me soigner à plusieurs reprise (mycoses, infections urinaires) et cela n’a vraiment rien d’agréable, même si cela reste très ponctuel.
De ce fait, j’essaye de toujours apporter un maximum d’attention à mon hygiène et j’ai la chance d’avoir un partenaire qui est presque plus maniaque que moi, ce qui est très rassurant.
Tout cela pour dire que je ne me caresse jamais sans m’être préalablement lavé les mains et que je préfère toujours me caresser sous la douche. C’est un sujet dont j’ai du mal à parler et un peu honte, seul mon partenaire est au courant en dehors des médecins qui me suivent.
J’ai trouvé délicat de répondre en détail à la façon dont je pratique, car cela me ramène à cette impression de pratiquer un examen gynécologique * rires * : ce que je peux être coincée, c’est incroyable !
Ce questionnaire est très intéressant car il m’a obligée à me poser sur un sujet que j’évite habituellement, qui me met mal à l’aise. Je crois qu’il y a encore quelques mois, il m’aurait profondément dérangée. Peut-être même n’y aurais-je pas répondu. Il est donc évident que je suis dans une phase où j’évolue, où je me réapproprie vraiment mon corps, ma sexualité. A 30 ans, il serait temps je suppose. Ceci-dit, je crois que les caresses intimes en solitaire ne sont pas prêtes de devenir pour moi une pratique indispensable. Je me vante souvent d’être égoïste mais je dois admettre qu’en matière de plaisir, je préfère de toute évidence jouer en duo.
[ le projet reste ouvert : www.voyages-interieurs.20mn.com – et le livre est encore disponible !]